Les Enquêtes de Murdoch - l'autisme dans une série télévisée

Les Enquêtes de Murdoch est une série télévisée policière canadienne, créée en 2008 et diffusée en France sur France 3 depuis 2009. Cette série met en scène les enquêtes policières de l'inspecteur William Murdoch, dans la ville de Toronto, à la fin du XIXe siècle. Passionné de sciences et assisté par le Docteur Julia Ogden, Murdoch utilise des techniques scientifiques d'avant-garde (empreintes, tests sanguins, analyses balistiques). On assiste aux prémices de la police scientifique dans un divertissement plutôt réussi.

La quatrième saison de cette série, aborde le thème de l'autisme dans l'épisode 6, "Meurtre en modèle réduit" (Dead end street), diffusé le 16/09/2012 sur France 3 :

A l'occasion d'une fête de quartier, l'inspecteur Murdoch observe la maquette d'une rue de Toronto dont la précision le laisse sans voix. Le modèle réduit fait apparaître l'intérieur d'une maison d'où l'on peut voir la figurine d'un homme épaulant un fusil. Murdoch en déduit qu'il s'agit certainement de la reproduction d'une scène de crime. En interrogeant les habitants de la rue en question, il fait la rencontre de Lydia, une jeune femme mutique qui vit avec son frère et qui a réalisé la maquette. L'inspecteur est persuadé qu'elle a été témoin d'un meurtre. Pour résoudre cette énigme, Murdoch va devoir comprendre le monde dans lequel vit Lydia et sa perception des choses.

L'autisme n'est évidemment pas prononcé, l'action se situe en 1898. Son frère la décrit comme "faible d'esprit", qui "vit dans un monde à elle" et qui "n'aime pas beaucoup les gens". Pour une voisine interrogée par Murdoch, "Lydia est loin d'avoir toute sa tête, les dingues c'est dans les asiles de fous qu'ils doivent être". Pour le commissaire, il est impensable de mener une enquête à partir d'une maquette réalisée par "une timbrée". Ce à quoi un sergent apporte une précision : "aujourd'hui on dit les demeurés". Mais pour Murdoch, inspecteur remarquablement intelligent et en avance sur son temps, ce terme ne semble pas plus approprié. C'est le docteur Julia Ogden qui va lui fournir quelques éclaircissements sur les troubles de cette femme à la mémoire visuelle impressionnante. "J'ai entendu parler d'un de ces cas à l'hôpital des enfants. Il semblerait que ce soit un cas d'idiot savant. Ils ont une déficience intellectuelle mais ils sont excellents dans certains domaines. Cela expliquerait pourquoi les figurines n'ont pas de visage dessiné, elle ne saisit pas les émotions. Les visages humains provoquent chez elle une grande confusion, alors elle les ignore tout simplement. Vous et moi communiquons avec les yeux, mais Lydia en est incapable."

Murduch décide de faire venir Lydia à son bureau où la maquette est entreposée, il est persuadé qu'elle a "peut-être une autre façon de communiquer". Son frère qui l'accompagne raconte l'histoire de sa soeur : "Elle ne connaît que notre rue de ce monde. Elle avait l'air normale quand elle était petite, mais en grandissant elle a commencé à s'isoler et elle n'a plus jamais parlé. Aucun médecin n'a pu nous donner d'explication."

Murdoch émet alors l'hypothèse que cette jeune femme est très sensible aux bruits intempestifs et que "la détonation l'a tellement effrayée que lorsqu'elle a construit cette maquette, elle a voulu recréer chaque détail qu'elle a vu dans la rue à ce moment précis. Le bruit l'a traumatisé." Le docteur Ogden lui fait remarquer que ce n'est pas un cas unique et lui parle de James Henry Pullen (1835-1916), un ébéniste et maquettiste de navires anglais remarquable. "Tout le monde pensait qu'il était sourd, dément ou muet, il a pourtant construit cette maquette dans un asile de fous en Angleterre (surnommé "le génie de l'asile d'Earlswood"). Lydia a le même talent."

James Henry Pullen

Cet épisode des "Enquêtes de Murdoch" est assez intéressant dans la mesure où l'inspecteur, qui tente de résoudre une énigme, a comme prérogative la compréhension du mode de pensée de son seul témoin, cette jeune femme autiste et non la cause de son "dysfonctionnement" cognitif. Je me suis posée la question de l'anachronisme ou pas dans cet épisode, au sujet des connaissances scientifiques réelles en 1898, du mode de fonctionnement des "idiots savants", terme utilisé pour la première fois en 1887 par John Langdon-Down (connu pour sa description du Syndrome de Down ou Trisomie 21). Quoiqu'il en soit, la démarche intellectuelle et l'empathie dont fait preuve cet inspecteur est pour le moins inédite et originale. Le scénariste de la série a-t-il voulu par là, simplement souligner l'avant-gardisme de son personnage en lui prêtant des réflexions qui relèvent d'un "bon sens", qu'un siècle de psychanalyse n'a pas réussi à formuler aussi simplement ?

"Je pense qu'elle voit le monde sous un aspect différent du nôtre. Sur certains points, elle est capable de faire preuve d'une concentration hors du commun et sur d'autres elle semble ne plus rien comprendre", constate Murdoch. Selon le docteur Ogden, "les idiots savants ne sont pas conscients de leur entourage, c'est ce qui les rend capables d'accomplir des choses extraordinaires. Cela correspond tout à fait à Lydia, elle conjugue une grande méconnaissance des émotions et de prodigieuses facultés intellectuelles". "Il y a un vide qui nous sépare, comment faire pour communiquer ?", s'interroge alors l'inspecteur Murdoch. En s'imprégnant "du monde qu'elle s'est créé", lui répond le docteur Ogden. "Je crois que Lydia ne conçoit pas la vie de la même façon que nous. Je pense que le réconfort qu'elle trouve dans la précision et l'ordre l'aide à tenir."

Avoir une représentation de l'autisme dans une oeuvre de fiction télévisuelle aussi positive est tellement rare que cela méritait bien d'être signalé. 

Comments

[Danièle]

C'est vrai, je me suis dit la même chose!