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Mon enfant bleu, Pablo
8 novembre 2012

Préhistoire ou la vie au temps de Cro-Magnon selon un enfant autiste - Trace d'être -

Le thème de la préhistoire n'en finit pas d'intéresser Pablo. Il est étonnant de voir sa compréhension de l'histoire à travers ses représentations graphiques, toujours teintées d'un style bédèsque.

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Pablo a été très heureux de faire partager sa passion à sa classe en faisant un exposé illustré sur l'évolution de l'homme et la dérive des continents. La maîtresse a particulièrement apprécié le calme qui a alors régné dans sa classe et le degré d'attention des autres élèves. Il est important de dire et de redire combien l'intégration scolaire d'un enfant autiste est une richesse pour lui mais aussi pour les autres.

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« À lire que "l'homme préhistorique a possédé un comportement humain", on ne s'étonne pas.

 

Reste à se demander comment il se pourrait que l'homme, humain, ne le soit pas, depuis toujours. [...]

 

Quand le même auteur (André Leroi-Gourhan, Préhistoire de l'art occidental, Paris Mazenod, 1971) affirme que « l'oeuvre artistique » reproduite dans le livre « ne suffit pas » et qu' « il est d'importance de rechercher pourquoi », je peux répondre : parce qu'il y avait une paroi et qu'il y avait de l'humain.

Ce qui, paraît-il ne suffit pas ou plutôt ne suffit pas à se qui est l'homme – de maintenant – regardant ces bisons et ces chevaux et qui voudrait savoir ce que l'auteur a voulu représenter et pourquoi. Il est évident qu'il ne peut le demander qu'à lui-même et que toute réponse suppose que l'homme traçant et l'homme regardant à 30 000 ans de distance sont le même.

 

On peut penser que l'humain trace, tout comme il marche sur deux pieds ; [...]

 

Le fait est que tracer advient à des enfants qui ne disent rien ; d'aucuns me diront qu'ils se disent mais rien ne m'oblige à les croire.

 

[...]Il se peut que tracer ait été et soit toujours surchargé d'un projet. Certains penseront que le projet est indispensable pour qu'il y ait tracé ; sinon, pourquoi ?

 

C'est peut-être vrai pour l'homme ; ça ne l'est pas pour ce qui concerne l'humain à qui tracer advient comme sont advenus les doigts de la main ; où disparaît le pourquoi.

 

Envoûté, le bison l'est, ne serait-ce que de par le fait qu'il est gravé dans la roche d'une voûte : pour le reste, à savoir qu'il s'est trouvé alors à portée du bâton pointu, nous n'en saurons jamais rien ; ce que nous savons, c'est que [...] le chasseur grave un bison sur la paroi et ce qu'il trouve, c'est une femme : est-ce à dire qu'il ne tracera plus ? Il tracera une femme et il tombera peut-être sur un bison ; cela dit, l'homme trace toujours, pas du tout dépité. [...]

 

Tracer n'existe que si quelqu'un trace. Mais si tracer n'existait pas, aucun quelqu'un n'aurait jamais tracé.

 

Il en est du tracer comme du voir ou de l'ouïr. Ne serait-ce qu'à voir, il y faut quelqu'un qui voit.

 

Ne serait-ce qu'à tracer... Il y faut une main et une surface ; quant au reste... [...]

 

Il arrive souvent que la trace laissée sur le papier par la main de Janmari, autiste, soit sinueuse et on pourrait croire qu'elle reproduit la trace laissée par le pied d'un gamin dans le sable du désert australien.

 

Sur la paroi de la grotte, outre les animaux gravés, peut se voir un tracé rectangulaire dont j'ai une collection, tous de la main du même Janmari.

 

Quant aux traits gravés sur un os où André Leroi-Gourhan voit l'esquisse de l'écriture, un pan de carton noir accroché au mur de la pièce où j'écris en porte une telle ribambelle qu'on les voit partis pour envahir le mur.

 

Ainsi donc, les traces dont on se demande ce qu'elles représentent, semblent avoir ricoché ici alors qu'à l'évidence les traces tracées par la main de Janmari ne représentent rien.

 

J'écris : à l'évidence, et je sais que c'est une évidence que je propose ; nombreux sont ceux qui voyant ces traces de main y verront, à l'évidence, ce que le traçant a voulu représenter.

 

Ce qui peut se dire que tracer est d'agir ; quant à ce que celui qui a fait la trace a voulu faire, ON le suppose.

 

Il y a donc le trait, la trace, et il y a le supposé. [...]

 

Ce que j'en retiens, pour ma part, c'est que tracer est d'agir du mode d'être humain, qu'il s'agisse de Janmari, autiste, d'un petit aborigène d'Australie et d'ailleurs ; Janmari ne veut rien faire ; celui qui a orné une écorce je ne sais où a voulu faire un serpent ou plutôt le serpent qui est de mise dans ce qui est représenté dans l'entourage de l'aborigène ; dans le tracé sinueux, apparaissent deux identités : le serpent est identique à tous les serpents gravés dans l'écorce par cette peuplade-là ; le tracé du serpent est identique au tracer sinueux de la main de Janmari, autiste. [...] »

 

Fernand Deligny, Traces d'être et Bâtisse d'ombre (1983), in Œuvres, Paris, L'Arachnéen, 2007, pp. 1487-1490.

 

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Septembre - Octobre 2012

 

 

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